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Crédit immobilier : le gouvernement prêt à assouplir certains critères d'octroi
Le 04 / 04 / 2023

La chute de la production de crédit immobilier commence à inquiéter jusqu'à Bercy. Le ministère de l'Economie et des Finances serait ainsi prêt à ouvrir la discussion sur les critères d'octroi gravés dans le marbre en 2022 par le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF).

« La diminution de la distribution de crédit s'explique avant tout par la remontée des taux et le retour à une tendance de long terme après une année exceptionnelle, notamment en termes de renégociations de prêt», explique-t-on à Bercy. Les taux de crédit ont plus que doublé en un an, sans que les prix de l'immobilier ne baissent beaucoup, ce qui a fait diminuer le pouvoir d'achat des ménages.

 

De nouvelles pistes envisagées.

Cependant, le gouvernement tient à vérifier que d'autres facteurs ne viennent pas freiner la distribution de crédits. Après avoir mensualisé temporairement le taux d'usure afin qu'il remonte plus progressivement entre le 1er février et le 1ª juillet, de nouvelles pistes seraient ainsi envisagées.

Les critères HCSF ont pour objectif de limiter les risques de surendettement. Ils imposent un taux d'endettement maximum de 35 % des revenus (taux d'effort) et limitent la durée de prêt à 25 ans, sauf en cas d'achat sur plan où la durée peut aller jusqu'à 27 ans. Les banques ont néanmoins une marge de manœuvre pour déroger à ces critères sur 20 % des dossiers de prêts (dont 20% sur des investissements locatifs).

« S'agissant de la norme HCSF, le ministre est très attentif aux remontées de terrain et souhaite donc s'assurer que cette norme, qui vise un objectif de stabilité financière en évitant un excès d'endettement, ne devienne pas un obstacle à l'accès au crédit, et donc à la propriété, de ménages pourtant solvables », poursuit Bercy.

A la demande de Bruno Le Maire, « des travaux d'évaluations sont en train d'être menés en lien avec la Banque de France, le HCSF et l'ensemble des acteurs concernés ». L'entourage du ministre a d'ailleurs évoqué le sujet lors d'une rencontre avec la Fédération bancaire française (FBF) lundi. La décision, souligne-t-on à Bercy, sera prise en accord avec le gouverneur de la Banque de France, à l'issue de ces travaux. Le prochain HCSF est prévu en juin.

Une demande des courtiers et des banquiers

Ces réflexions font partiellement écho aux analyses des courtiers et des banquiers. Face à une production de crédits immobiliers à la peine depuis le début de l'année, ces derniers semblaient de plus en plus demandeurs d'une nouvelle discussion sur les critères d'octroi des crédits.

A leurs yeux, les investisseurs locatifs et les emprunteurs désireux d'acheter une résidence secondaire sont pénalisés par la limite du taux d'effort lorsqu'ils ont encore un crédit à rembourser sur leur résidence principale. Les taux de crédit ayant plus que doublé en un an, cette limite est beaucoup plus rapidement atteinte, même s'ils disposent d'un budget conséquent une fois qu'ils ont payé leurs charges.

Lors de sa dernière réunion, une source proche du HCSF avait déjà affirmé que le gouvernement resterait « extrêmement vigilant » à l'accès au crédit « car il permet l'accès à la propriété ». Pour Bercy, il s'agit de trouver le meilleur équilibre entre stabilité financière et accès à la propriété par l'emprunt.

Un sujet sur lequel il faudra convaincre les autres acteurs, et notamment la Banque de France. 

 

La hausse des taux fait plonger la demande de nouveaux prêts 

 

Selon les chiffres diffusés lundi par la Banque de France, la production de nouveaux crédits à l'habitat est tombée à 14,6 milliards d'euros en février, soit près de 40 % de moins en un an.

Le crédit immobilier cale de nouveau. Après un petit sursaut en janvier, la production de nouveaux crédits à l'habitat a de nouveau chuté en février pour passer à 14,6 milliards d'euros, et pourrait descendre à 13,7 milliards en mars, selon les premiers chiffres de la Banque de France diffusés ce lundi.

Par rapport à février 2022, la production a baissé de près de 40 % et s'établit bien en dessous de la moyenne des cinq dernières années.

Hors renégociations, elle s'est même établie à 12,2 milliards en février, soit un niveau qui se rapproche du trou d'air atteint pendant le premier confinement (10,6 milliards en avril 2020), lorsque les agences immobilières étaient fermées. Ces chiffres semblent refléter les conséquences du blocage qui s'était opéré en fin d'année dernière, lorsque le taux d'usure - ce plafond au-delà duquel les banques n'ont pas le droit de prêter - n'était encore réévalué que tous les trois mois. Le calcul est, depuis, temporairement devenu mensuel. En raison de ce plafond, les banques ne pouvaient pas répercuter aussi régulièrement qu'elles l'auraient souhaité la hausse de leurs coûts de refinancements, provoquée par le resserrement monétaire déclenché par la Banque centrale européenne (BCE). Ne voulant pas prêter à perte, de nombreux établissements préféraient limiter la distribution de prêts, en attendant la réévaluation du taux d'usure.

« La tendance que nous annoncions depuis des mois se vérifie, estime Pierre Chapon, cofondateur du courtier en ligne Pretto. Par la suite, le problème du taux d'usure va s'estomper mais le problème du budget des acheteurs va s'accentuer; car les taux continuent de monter. »

En mars, les taux de crédit s'établissaient en moyenne à 2,52 %, selon les premières estimations de la Banque de France, un niveau qu'ils n'avaient pas atteint depuis février 2015. « Nous avions un problème d'offre, mais il ne faudrait pas que ce problème d'offre bancaire se transforme en problème de demande, avec certains acheteurs désolvabilisés par la hausse des taux de crédit et qui s'interrogent sur leur capacité à acheter », ajoute Sandrine Allonier, porte-parole du courtier Vousfinancer. En effet, avec des crédits devenus plus onéreux, les ménages perdent en pouvoir d'achat et doivent souvent revoir leurs ambitions à la baisse, en termes de surface ou de localisation. D'autant que les vendeurs rechignent encore à baisser leurs prix.

 

Taux dissuasifs

De plus, lorsqu'ils sont déjà endettés sur leur résidence principale et qu'ils souhaitent réaliser un investissement locatif ou acheter une résidence secondaire, les emprunteurs peuvent se retrouver bloqués par les contraintes imposées par le Haut Conseil de stabilité finan-cière. Ces critères, qui ont été gravés dans le marbre début 2022, limitent le taux d'endettement de l'emprunteur à 35 % de ses revenus et la durée du prêt à 25 ans. Une limite plus rapidement atteinte avec le renchérissement du crédit.

« Les critères HCSF ont été établis lorsque les taux étaient très bas et qu'il y avait un risque de surchauffe du marché de l'immobilier.

Aujourd'hui, nous sommes dans un monde où les taux reviennent à la normale et où il n'y a plus de risque de surchauffe. Est-ce qu'un taux d'effort à 35 % a toujours du sens ?», interroge Pierre Chapon chez Pretto. Le niveau des taux fait aussi réfléchir les acheteurs.

Selon le récent baromètre sur les Français et l'immobilier réalisé par Opinionway pour le réseau Laforêt, 68 % des personnes interrogées remettraient en question un projet immobilier en raison du niveau des taux de crédit. A partir de taux à 3% ou plus, c’est-à-dire le niveau de la plupart des crédits accordés en ce moment, 36 % des emprunteurs préféreraient renoncer à acheter. A partir de 4 % ou plus, ils seraient 22 %. Avec des taux qui pourraient atteindre 4 % dès cet été, selon les estimations des courtiers, la demande pourrait rester en berne encore un bon moment.

 Article publié le mardi 4 avril, Les Echos