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Fiscalité des locations Airbnb: les pistes de réforme se multiplient
Le 21 / 06 / 2023

LOGEMENT

Le régime des logements meublés touristiques fait l'objet de plusieurs propositions de réforme à l'Assemblée.

Le gouvernement y est favorable, mais avance avec prudence sur le dossier.

Le surtourisme inquiète, la crise du logement s'exacerbe et la pression sur Airbnb s'accentue. Le ministre des Finances, Bruno Le Maire, vient de se dire « favorable » à une réforme de la fiscalité appliquée à la location de logements meublés touristiques, en raison d'« effets d'aubaine » importants. Des propos appuyés en début de semaine par Olivia Grégoire dans « Le Figaro». La ministre des PME et du Tourisme a souligné « qu'il existait déjà une proposition de loi transpartisane dont l'examen est prévu à l'automne ». Et mardi, c'est le rapporteur du budget à l'Assemblée, le député Jean-René Cazeneuve, qui a dit vouloir aller plus loin que ce texte dans le cadre du projet de loi de finances.

Alors que de nombreux maires pointent le rôle de ces locations de courte durée dans la pénurie de logements en France, certains élus sont en effet passés à l'action. Le 31 mai, une proposition de loi portée par Annaïg Le Meur (Renaissance) et Inaki Echaniz (PS) « visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zones tendues » a été déposée. Mais son examen a été repoussé à la rentrée.

 

Une fiscalité jugée trop avantageuse

«Il y a une colère qui s'exprime dans les territoires, avec des gens qui n'arrivent plus à trouver des logements, car ceux-ci sont beaucoup trop chers en raison de l'augmentation des meublés touristiques », témoigne la députée du Finistère. Pour Inaki Echaniz, «il y a des territoires où il n'y a quasiment plus d'offre de locations à l'année mais quasiment uniquement des locations Airbnb».

Ces députés estiment que la fiscalité encourage de manière excessive les locations de courte durée. Un avis partagé par Stéphanie Hamis, avocate associée au sein du cabinet Arsene: « Sur les locations de long terme classiques [non meublées, NDLR], la fiscalité en place permet de bénéficier d'un abattement de 30 % jusqu'à 15.000 euros. Mais pour les locations meublées [type Airbnb], c'est le régime BIC [bénéfices industriels et commerciaux] qui s'applique : dans ce cas-là, vous disposez d'un abattement fiscal de 50 % jusqu'à 72.600 euros. »

Sachant que si cette somme est dépassée, le propriétaire peut encore déduire toutes ses charges, y compris un amortissement du bien. Il peut donc déduire plus qu'en location long terme. Le régime est donc beaucoup plus favorable, souligne l'avocate, qui interroge :

« Pourquoi louer à long terme et payer plus d'impôts, alors que l'on peut louer pour une courte durée, bénéficier quasiment des mêmes revenus, car le logement Airbnb est plus cher, et payer moins d'impôts?»

Les logements classés en tant que meublé touristique bénéficient même d'un abattement fiscal à hauteur de 71 % (avec un plafond de recettes de 176.200 euros). Or, « hormis à Paris où cela est rarement demandé en pratique, il est relativement facile d'obtenir ce classement de meublé touristique », estime Aurélie Sultan, avocate au cabinet Demeuzoy et experte en locations meublées.

Pour les deux députés, il faut « un rééquilibrage et un réalignement de la fiscalité actuelle pour favoriser les locations à long terme ». Dans leur proposition de loi, dans un premier temps, l'abattement passerait de 71% à 50 % pour les meublés classés et de 50 % à 30 % pour les meublés classiques dans les zones tendues.

Le texte prévoit également de donner plus de moyens aux collectivités pour réguler ces offres (droit de regard sur le changement d'usage d'un logement, notamment).

 

Le lobbying des plateformes

Du côté de Bercy, on confirme être favorable à une réforme, tout en restant prudent sur les modalités. Pour Olivia Grégoire, «il ne peut y avoir de réponse unique. Il faut imaginer un cadre souple que les collectivités locales pourraient adapter en fonction de leurs enjeux locaux ». Inaki Echaniz est « plutôt d'avis de rééquilibrer cette fiscalité sur l'ensemble du territoire, parce que cette crise du logement concerne tout le pays ».

 

Jean-René Cazeneuve plaide de son côté pour un durcissement des conditions qui ne concernerait pas seulement les zones tendues. Il entend plus particulièrement viser « ceux qui achètent trois, quatre ou cinq appartements pour en faire un business très lucratif ». Ce qui pourrait passer par un abaissement du plafond de recettes.

Reste à savoir si le rééquilibrage se fera aussi via une amélioration du régime longue durée. Une orientation poussée par les plateformes.

Dominique Debuire, président de l'Union nationale pour la promotion de la location de vacances

(UNPLV), dont fait partie Airbnb, pointe d'ailleurs la contradiction entre « alourdir la pression fiscale pour des centaines de milliers de Français de la classe moyenne » et l'objectif du gouvernement de réduire les impôts pour ces mêmes classes.

« Il s'agit seulement de réduire un avantage fiscal qui ne se justifie plus », répond Ihaki Echaniz et de « reconsidérer le logement comme une valeur patrimoniale plutôt que comme une valeur de spéculation lucrative », ajoute Annaïg Le Meur, pas de « réduire à néant cet abattement fiscal ».

Article Les Echos, du jeudi 22 juin 2023