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Fiscalité 2024 : Le patrimoine n'a pas été oublié
Le 25 / 01 / 2024

Locations saisonnières, IFl et SCI, donation de sommes d'argent avec réserve d'usufruit : l'Actifs fait le point sur les réformes concernant le patrimoine.

Enquête réalisée par Annabelle Pando

Passée en force devant l'Assemblée nationale avec deux procédures de 49 alinéa 3, la loi de finances pour 2024 (LF 2024) recèle quelques surprises pour le patrimoine des contribuables (loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024, JORF n°0303 du 30 décembre 2023).

 

  • IR ET PRÉLÈVEMENTS À LA SOURCE

L’article 2 relève les tranches de revenus du barème de l’impôt sur le revenu (IR) de 4,8 % : 

• jusqu'à 11.294 euros: 0%

• de 11.294 euros à 28.797 euros: 11 %

• de 28.798 euros à 82.341 euros: 30 %

• de 82.342 euros à 177.106 euros : 41 %

• supérieure à 177106 euros : 45 % (Code général des impôts - CGI -, art.197)

 

L'article 19 aménage le prélèvement à la source (PAS) de l'impôt sur le revenu pour les couples mariés ou liés par un Pacs et soumis à imposition commune. A compter du 1e septembre 2025, le principe est, par défaut, celui de l'application du taux individualisé. Les couples conservent la possibilité d'opter pour le maintien du taux du foyer fiscal.

 

  • RÉDUCTIONS D’IMPÔT POUR DONS

L'article 15 reconduit pour trois ans le plafond dérogatoire de 1.000 euros de la réduction d'impôt au titre des dons aux organismes d'aide aux plus démunis (CGI, art. 200-1 ter). En principe, les dons effectués au profit d'organismes d'aide alimentaire, de logement et de soins médicaux ouvrent droit à une réduction égale à 75 % des sommes versées dans la limite d'un plafond de 552 euros. En 2022 et 2023, cette limite avait été relevée à 1.000 euros. Ce plafond est renouvelé pour l'imposition des revenus des années 2024, 2025 et 2026.

Par ailleurs, la réduction d'impôt sur le revenu au titre des dons effectués au profit d'organismes d'intérêt général, égale à dons effectués au profit d'organismes d'intérêt général, égale à 66 % de leur montant les sommes prises dans la limite de 20 % du revenu imposable (CGI, art. 200), intègre désormais dans son champ les organismes d'intérêt général qui agissent en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes. Il en va de même pour le dispositif de mécénat des entreprises (CGI, art. 238 bis). Par ailleurs, l'article 30 porte le taux de la réduction d'IR à 75% lorsque les dons, effectués au profit de la Fondation du patrimoine, sont destinés à conserver ou à restaurer le patrimoine immobilier religieux.

 

  • IR-PME

L'article 49 proroge de deux ans, soit jusqu'au 31 décembre 2025, le taux majoré de 25% de la réduction d'impôt sur le revenu pour la souscription au capital des PME et des entreprises solidaires d'utilité sociale et des foncières solidaires (CGI, art. 199 terdecies-0 AA).

L'article 48 institue des conditions d'application de la réduction d'impôt IR-PME spécifiques pour l'investissement en direct ou via une holding aux jeunes entreprises innovantes (JEI), aux jeunes entreprises innovantes de croissance (JEIC) et aux jeunes entreprises innovantes de rupture (JEIR) - ces deux dernières catégories ayant été créées par la loi de finances pour renforcer le soutien ciblé aux start-up.

  • JEl, souscriptions réalisées en 2024 : réduction portée à 30%, dans la limite de 75.000 euros de versements pour un contribuable célibataire et de 150.000 euros pour un couple marié ou pacsé.
  • JEIC, souscriptions réalisées entre 2025 et 2028 : réduction portée à 30 %, dans la limite de 75 000 euros de versements pour un contribuable célibataire et de 150.000 euros pour un couple marié ou pacsé.
  • JEIR, souscriptions réalisées entre 2025 et 2028 : réduction portée à 50% dans la limite de 50.000 euros de versements pour un contribuable célibataire et de 100.000 euros pour un couple marié ou pacsé.

Le total de ces deux nouvelles réductions d'impôt ne pourra pas procurer une réduction d'impôt globale supérieure à 50.000 euros sur la période du 1er janvier 2024 au 31 décembre 2028.

 

  • PEAC ET PER 

L'article 3 définit la fiscalité attachée au plan d'épargne avenir climat (PEAC), introduit par la loi Industrie verte (loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte, JORF n°0247 du 24 octobre 2023). Les revenus et les plus-values gérer par le plan sont exonérés d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux. Parallèlement, l’article 3 supprime la possibilité pour les mineurs d'ouvrir un plan d'épargne retraite (PER) individuel à partir du 1e janvier 2024. Pour ceux d'entre eux qui en détiendraient déjà un, aucun versement ne pourra plus être effectué à compter de cette même date.

 

  • APPORT-CESSION

L'article 24 révise le quota de 75 % d'investissement des fonds éligibles au réinvestissement qui conditionne le maintien du report d'imposition dont a bénéficié la plus-value d'apport de titres (CGI, art. 150-0 B ter).

La loi aligne le quota de 75% sur le quota des fonds fiscaux et des sociétés de capital-risque (SCR), ce qui donne la possibilité d'investir dans les sociétés opérationnelles via des holdings et rend éligibles tous les titres donnant accès au capital, les obligations remboursables ou échangeables en actions, les bons de souscription d’actions (BSA), les avances en compte courant…

 

  • IFI ET SCI

L'article 27 met fin à un avantage en matière d'impôt sur la fortune immobilière (IFI) en cas de détention indirecte. Désormais, les dettes contractées par la société détentrice des biens entrant dans le champ de l'IFI et qui ne sont pas afférentes à ces actifs imposables ne sont plus prises en compte pour la valorisation des parts et actions de structure détentrice de patrimoine immobilier taxable à l'IFI, à l'instar des règles d'évaluation-valorisation en cas de détention en direct. Dans ce cas en effet, seules sont déductibles de la valeur des biens les dettes effectivement supportées par ces redevables et afférentes à des actifs imposables (dépenses d'acquisition, dépenses de réparation et d'entretien, d'amélioration, de construction, d'agrandissement, impositions, etc.). « La réforme oblige les associés des structures concernées à procéder au retraitement du passif social pour se conformer à ces nouvelles règles de valorisation et ce, dès la déclaration d'IFI 2024 dont il ressortira des cotisations nécessairement à la hausse », analyse Sandrine Quilici, directrice de l'ingénierie patrimoniale chez Norman K.

 

  • QUASI-USUFRUIT

L'article 26 de la loi de finances pour 2024 remet en cause la déductibilité des dettes de restitution de l'actif successoral issues d'une donation antérieure de sommes d'argent en nue-propriété (CGI, art. 774 bis nouveau). En cas de donation de la nue-propriété d'une somme d'argent, l'usufruitier peut consommer la somme d'argent à condition de restituer l'équivalent de ce qu'il a utilisé au nu-propriétaire au terme du démembrement de propriété. Cette dette de restitution est prise en compte dans le passif de sa succession en vertu de l'article 768 du CGI. 

C'en est fini de la déductibilité de la dette de restitution de l'actif successoral du quasi-usufruitier. L'article 774 bis nouveau du CGI prévoit une liquidation des droits de mutation par décès sur la valeur de cette dette de restitution, dus par le nu-propriétaire et calculés d'après le degré de parenté existant entre ce dernier et l'usufruitier. « Cette règle est essentiellement prévue pour les donations de sommes d'argent avec réserve d'usufruit, rappelle Sandrine Quilici. Cela signifie qu'elle ne s'applique ni à l'usufruit du conjoint survivant portant sur des sommes d'argent, ni aux quasi-usufruits mis en place dans les clauses bénéficiaires des contrats d'assurance-vie, ni encore aux stipulations de quasi-usufruit sur les distributions de réserves de société.»

En outre, la loi maintient expressément la déductibilité de la dette de restitution contractée sur le prix de cession d'un bien dont le défunt s'était réservé l'usufruit, « sous réserve qu'il soit justifié que ces dettes n'ont pas été contractées dans un objectif principalement fiscal », indique le texte. Selon Sandrine Quilici, « la rédaction de la convention de qua-si-usufruit revêt ici toute son importance puisqu’elle permettra de mettre en avant les objectifs patrimoniaux et familiaux qui motivent le recours au quasi-usufruit. Par ailleurs, il peut être pertinent de prévoir la possibilité d'un remboursement par anticipation de la dette de restitution ».

 

  • PACTE DUTREIL

L'article 23 met fin au débat sur l'éligibilité de la location de locaux meublés et d'établissements commerciaux ou industriels équipés de l'exonération partielle en l'excluant expressément. Les articles 787 B et 787 C du CGI indiquent désormais que « n'est pas considérée comme une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale l'exercice par une société d'une activité de gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier ». Ils définissent les activités commerciales par renvoi aux articles 34 et 35 du CGI. Ces précisions s'appliquent aux transmissions intervenues à compter du 17 octobre 2023.

« Avec cette mesure, le législateur a manifestement cherché à fermer la porte ouverte par la Cour de cassation et le Conseil d'Etat en 2023, analyse Sandrine Quilici. Toutefois, on peut regretter un manque de précisions ou de finesse du texte de loi. Est-ce que toutes les activités de locations équipées sont visées ? Par exemple, qu'en est-il des activités de coworking et de coliving en plein développement ? Quelle est la frontière entre la gestion de son patrimoine immobilier et la parahôtellerie ? Il aurait été plus satisfaisant de tenir compte de différents critères comme les modalités d’exploitation ou le niveau d’implication du propriétaire. À cet égard, le Conseil d’Etat en matière de sursis d'imposition de l'article 150-0 B du CGI n'a pas exclu de manière définitive l'activité de location meublée des activités présentant un caractère économique éligibles au réinvestissement (CE, 19 avril 2022, n° 442946).

Ainsi, selon les modalités d'exploitation mises en œuvre, on peut valablement s'interroger sur le caractère uniquement patrimonial de ce type d'activité. Il n'est donc pas certain que la porte soit totalement refermée. Une nouvelle fois, ce sera au juge de trancher. »

Par ailleurs, la loi confirme l'éligibilité au pacte Dutreil des holdings animatrices en officialisant les positions administrative et jurisprudentielle : « Est néanmoins considérée comme exerçant une activité commerciale la société qui, outre la gestion d'un portefeuille de participations, a pour activité principale la participation active à la conduite de la politique de son groupe constitué de sociétés contrôlées directement ou indirectement, exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, et auxquelles elle rend, le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers. » Pour Sandrine Quilici, « la sanctuarisation de l'éligibilité des holdings animatrices est une bonne chose en ce qu'elle vise l'animation des filiales et sous-filiales. Cependant, concernant l’éligibilité des holdings mixtes au dispositif Dutreil, le fait de ne viser que le caractère principal de l'animation sans autre précision nous laisse avec les critères d'appréciation dégagés par la jurisprudence qui consiste à recourir au faisceau d'indices. Enfin, notons que la terminologie employée n'est pas exactement la même que celle utilisée classiquement jusqu’à présent par la doctrine et la jurisprudence. Espérons que, pour des raisons de sécurité juridique évidentes, cette évolution sera neutre dans l’appréciation de l’administration fiscale ».

 

  • REPRISE D’ENTREPRISE PAR LES SALARIÉS 

L’article 22 relève de 300.000 euros à 500.000 euros le montant de l'abattement sur certaines transmissions d'entreprises en pleine propriété :

- cessions aux salariés ou aux membres du cercle familial proche du cédant (conjoint, partenaire de Pacs, ascendants ou descendants en ligne directe, frères et sœurs) qui s'engagent à poursuivre leur activité professionnelle dans l'entreprise pendant cinq ans (CGI, art. 732 ter) ;

- donations aux salariés qui s'engagent à poursuivre leur activité professionnelle dans l’entreprise pendant cinq ans (CGI, art. 790 A).

 

  • LA LOCATION SAISONNIÈRE, UNE RÉFORME AVORTÉE ?

La réforme de la location saisonnière qui s'est invitée dans le projet de loi de finances ne s'est pas passée comme prévu. Rappel des faits : le texte initial n'en avait pas prévu. Les députés ont introduit un amendement visant à aligner le régime fiscal des locaux classés meublés de tourisme et les autres locaux meublés. Il abaissait le plafond du micro-BIC de 188.700 euros à 77.700 euros et l'abattement de 71% à 50 %. Il instaurait également un abattement supplémentaire de 21% en zone rurale et sous réserve d'un chiffre d’affaires inférieur à 50.000 euros. A son tour, le Sénat s'est emparé du sujet, motivé à supprimer ce que d'aucuns appellent la « niche fiscale Airbnb ». La Chambre haute a donc abaissé le plafond de recettes du micro-BIC de tous locaux meublés de tourisme à 15.000 euros et baissé l'abattement à 30%, ce à quoi s'ajoute un abattement supplémentaire de 21% dans les zones peu denses. Opposé à cette suppression, le gouvernement entendait rétablir sa mouture (77.000 euros et 50%). Seulement voilà, « une erreur matérielle » s’est glissée dans le texte de loi dont la version définitive fait disparaître la « niche » Airbnb (CGI, art.50-0). Il en ressort que « désormais, les meublés de tourisme, classés ou non, sont soumis aux mêmes conditions d’application du micro-BIC : plafond de 15.000 euros et abattement de 30%, explique Baptiste Bochart, juriste chez Jedéclaremonmeublé.com. Seuls les meublés de tourisme classés hors zone tendue peuvent bénéficier en plus d’un abattement supplémentaire de 21% si l’ensemble des recettes de location meublée ne dépasse pas 15.000 euros. Les nouveaux taux d’abattement risquent de faire bondir les impôts des loueurs en meublé de tourisme de 40% s’ils conservent leur régime micro-BIC.

Ces mesures sont censées s'appliquer rétroactivement pour le calcul de l'impôt des revenus perçus en 2023. Toutefois, l'exécutif a annoncé son intention de les écarter. « Je veux rassurer les Français, rien ne changera dans l'immédiat », a affirmé le ministre délégué chargé des Comptes publics, Thomas Cazenave, dans l'Opinion le 20 décembre dernier. Le Bofip pourrait publier une instruction fiscale en ce sens. Le temps, sans doute, de recevoir les conclusions de la mission sur la fiscalité locative confiée aux députées Annaïg Le Meur et Marina Ferrari, et de les intégrer à la proposition de loi n° 1176 visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue en cours d'examen. Mais il ne pourra sans doute pas faire l'économie d'une loi de finances rectificative pour ce type de mesures.

Affaire à suivre.

Article paru dans le magazine de l'AGEFI PATRIMOINE - numéro 841 de janvier 2024