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AIRBNB : Les députés repartent à l’attaque de la niche fiscale et adoptent les quotas
Le 31 / 01 / 2024

LOGEMENT

La proposition de loi supprimant la niche dite « Airbnb » a été votée en première lecture à l'Assemblée nationale.

 

Elsa Dicharry et Sébastien Dumoulin

 

Première étape franchie pour la proposition de loi « visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zones tendues ». Le texte, porté par Annaïg Le Meur (Renaissance) et Inaki Echaniz (Parti Socialiste), s'attaque à la prolifération des meublés touristiques loués sur les plateformes comme Airbnb, Abri-tel ou Leboncoin. Il a été adopté lundi en première lecture à l'Assemblée nationale par 100 voix contre 25, après un examen avorté début décembre.

Les discussions ont été animées concernant la remise en question de la « niche fiscale » dont bénéficient pour l'instant les meublés touristiques. Selon les rapporteurs du texte, cet avantage crée « des effets d'aubaine » et « contribue à assécher le nombre de biens en location longue durée et à faire monter les prix de l'immobilier ». 

 

Un sévère coup de rabot

Pour y mettre fin, le texte ramène à 30 % tous les abattements fiscaux relatifs aux meublés de tourisme, soit au niveau de l'abattement en vigueur pour la location nue. Et très loin du taux de 71 % dont bénéficient aujourd'hui les logements « classés », c'est-à-dire homologués par un organisme accrédité, ou même de celui de 50 % dont profitent les logements non classés.

Les plafonds sont aussi sévèrement rabotés, passant de 188.700 à 30.000 euros pour les logements classés et de 77.700 euros pour les non classés à 15.000 euros. Seules les zones rurales très peu denses et les stations de ski - dont les élus faisaient valoir l'importance de la location saisonnière pour leurs économies - bénéficient encore d'un régime dérogatoire, avec un abattement maintenu à 71 % pour un plafond de revenus annuel de 50.000 euros.

Ce grand coup de hache dans la niche fiscale Airbnb met le gouvernement en porte-à-faux. Il se dit certes résolu à s'attaquer au problème, mais préconise des mesures moins drastiques. Ou du moins des études d'impact avant toute modification d'ampleur de la fiscalité. Dans la loi de finances pour 2024, l'exécutif a bien introduit une mesure très semblable à celle votée lundi par les députés - mais « par erreur », assure-t-il. L'application du texte est gelée par l'administration, en attendant une correction « dès le prochain texte financier », précise Bercy.

 

Une mission avait d'ailleurs été confiée à l'automne par Matignon aux députées Annaïg Le Meur et Marina Ferrari sur le sujet de la fiscalité locative. « La mission est lancée, elle donnera ses conclusions dans deux mois. Plutôt que d'avoir un vote transitoire, je vous propose d'attendre les conclusions de cette mission », a plaidé, sans succès, le rapporteur général du budget, Jean-René Cazeneuve, tout en se disant très favorable à un durcissement de la fiscalité. 

 

Une « boîte à outils » pour les maires

Mais Annaïg Le Meur avait insisté en amont des débats: au-delà du ré-alignement de la fiscalité, « le plus important, c'est la boîte à outils que nous mettons à disposition des collectivités, qui permettra une régulation à long terme », et viendra compléter des dispositifs déjà existants.

Le texte rend ainsi obligatoire le numéro d'enregistrement dans toutes les communes de France pour les propriétaires souhaitant louer leur résidence secondaire sur une plateforme. Et plus seulement celles situées en zones tendues.

En outre, les communes qui le souhaitent pourront imposer la demande d'un changement d'usage, pour pouvoir utiliser sa résidence secondaire, mais aussi un ancien local commercial, comme location touristique. Les sociétés civiles immobilières seront concernées par cette règle. Toute location d'une passoire thermique comme meublé de tourisme est par ailleurs prohibée.

« Les quotas [d'autorisations de changement d'usage pour faire du meublé touristique, NDLR] n'avaient pas d'existence juridique. Ils l'auront demain », s'est réjoui Inaki Echaniz avant l'examen du texte. Alors que des villes comme Saint-Malo ou Annecy, qui les ont imposés, se sont retrouvées assignées en justice par des collectifs de propriétaires.

La proposition de loi donne encore la possibilité aux communes de réduire à quatre-vingt-dix - au lieu de cent vingt actuellement-le nombre de jours maximal de location d'une résidence principale sur les plates-formes.

Le texte doit encore être examiné au Sénat, puis par une commission mixte paritaire, avant d'être adopté définitivement. Le débat, notamment fiscal, promet de rebondir.

En particulier quand il s'agira de savoir quand s'appliquera le probable coup de rabot... et donc si les locations de cet été, dopées par les Jeux Olympiques, seront concernées. « Le plus tôt sera le mieux. On le souhaite, mais ce n'est pas nous qui avons la main », explique Annaïg Le Meur. 

Article de Les Echos, du mardi 30 janvier 2024