>
Vous êtes ici
» Retour à la liste
L'intelligence artificielle électrise la Bourse
Le 08 / 02 / 2023

• Les prouesses de ChatGPT ont enflammé l'imagination des investisseurs.

• Face à l'engouement du public et des marchés, les annonces des entreprises se multiplient dans le secteur, de Buzzfeed au chinois Baidu.

• Mais les cas d'usage de la technologie restent à défricher.

 

Tout le monde à son nom à la bouche. Depuis sa mise en ligne, Chat-GPT a ébahi le public avec ses réponses détaillées et sa prose fluide, et enflammé l'imagination des investisseurs. Dans un emballe ment qui n'est pas sans rappeler les premières heures de la blockchain ou de la bulle Internet, il suffit désormais qu'une entreprise évoque un projet d'utilisation de «l'intelligence artificielle générative » pour doper son cours de Bourse.

L'exemple le plus frappant reste Buzzfeed, le média en ligne notamment connu pour ses quiz sur l'actualité. Après une année désastreuse en Bourse l'an dernier, son titre est reparti à la hausse après la fuite d'un mémo interne évoquant une utilisation accrue de l'intelligence artificielle dans les années qui viennent. Alors que les détails pratiques de cette initiative sont inconnus, son cours a été multiplié par 5 dans les jours qui ont suivi avant de refluer quelque peu. Il reste toutefois en hausse de 140 % depuis le début de l'année, ce qui en fait l'un des principaux bénéficiaires de l'engouement du marché pour l'IA.

Surfer sur la vague

Il est en effet loin d'être le seul à surfer sur la vague. C3.ai, une société créée en 2009 et introduite en Bourse en 2020 qui travaille notamment avec Engie, a suscité l'intérêt des boursicoteurs américains, selon Vanda Research. Son cours a bondi de 120 % cette année, avec un pic d'achat mardi dans la foulée du lancement d'un nouveau produit du groupe.

Les géants de la tech ne sont pas en reste. Ils sont engagés dans une bataille de communication sur le sujet, à commencer par Microsoft qui ne manque pas une occasion de parler de son investissement de plusieurs milliards de dollars dans OpenAI, le créateur de ChatGPT, et des différentes manières dont le logiciel pourrait être intégré à ses produits. Pour ne pas donner l'impression d'être à la traîne, Google est entré dans la course en dévoilant lundi son propre logiciel, Bard, tandis que son rival chinois Baidu a bondi de 15 % à la Bourse de Hong Kong après avoir évoqué une mise en ligne de son logiciel maison courant mars.

Doit-on voir dans cet engouement une énième bulle spéculative ou les débuts prometteurs d'une nouvelle industrie ? Les deux à la fois, à en croire les spécialistes du secteur de la tech, ce qui rend la tâche d'autant plus compliquée pour les investisseurs. Même les plus enthousiastes sur les opportunités générées par ce nouveau marché soulignent la difficulté à identifier aujourd'hui les futurs gagnants.

Les analystes d'UBS évoquent un marché potentiel de 1 000 milliards de dollars, de quoi faire saliver plus d'un investisseur, tout en mettant en garde : « Nous ne savons pas encore où se situera la plus grande valeur de l'IA générative: les modèles sous-jacents, les applications reposant sur ces modèles ou les fournisseurs de cloud. » En attendant d'y voir plus clair, ils estiment que les fournisseurs de cloud et de semi-conducteurs sont les plus à même de bénéficier du déploiement de la technologie à court terme.

Une bonne nouvelle pour le géant des cartes graphiques Nvidia, dont les puces sont souvent utilisées pour ce type d'application. Son titre a rebondi de 50 % depuis le début de l'année. Les analystes de Citigroup ont évoqué pour le groupe des revenus supplémentaires potentiels de 3 milliards de dollars à 11 milliards sur douze mois, selon la rapidité d'adoption de la technologie. Mais même ces hypothèses laissent certains professionnels dubitatifs.

Promesses non tenues

«Il faut faire attention à pas trop anticiper sur le court terme, je doute que l'IA générative va compenser dans l'immédiat le ralentissement plus large des investissements en informatique », tempère Jacques-Aurélien

Marcireau d'Edmond de Rothschild

AM. Les avancées technologiques les plus récentes devraient plutôt pousser à la prudence, estime-t-il en dressant un parallèle avec les promesses non tenues à ce jour des voitures autonomes. « La technologie sera prête un jour, mais on a souvent tendance à sous-estimer le temps nécessaire pour faire aboutir les projets », explique-t-il. Par ailleurs, « le modèle économique de ChatGPT est encore très éloigné des nouvelles exigences de rentabilité des investisseurs », estime le gérant, en référence au contexte plus compliqué pour la tech en Bourse.

Les logiciels d'intelligence artificielle demandent des ressources informatiques importantes, alors que les cas d'usages restent à défricher et pourraient mettre des années à se développer. Interrogé sur ce point, un gérant tech ironise:

« Les logiciels me remplaceront certainement un jour, mais ce sera plutôt dans vingt ans que dans cinq ans.»

 

Article Les Echos, jeudi 9 février 2023