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Rénovation énergétique : les règles se durcissent en cas de vente de maison
Le 29 / 03 / 2023

• L'obligation de réaliser un audit énergétique entre en vigueur au Ier avril pour les maisons ou immeubles en mono propriété classés F ou G au titre du diagnostic de performance énergétique.

• Il s'agit de permettre à l'acheteur de connaître le montant des travaux à réaliser pour faire monter son bien en grade.

 

Cette fois, ça y est. Après plusieurs reports, l'audit énergétique obligatoire va entrer en vigueur le le avril 2023 pour toute vente d'une maison ou d'un immeuble en mono propriété passoire thermique. C'est-à-dire classé F ou G au titre du diagnostic de performance énergétique (DPE). Les logements E seront également concernés à partir de 2025 et les D en 2034.

Cet audit - valable cinq ans - vise à indiquer aux acheteurs le type et le montant des travaux à réaliser pour améliorer l'étiquette du bien visé. Il devait initialement être généralisé en janvier 2022. Mais les professionnels de l'immobilier avaient tiré la sonnette d'alarme, estimant le délai trop court.

 

Fournir un maximum de données

Ils avaient réclamé plus de temps pour former les personnes habilitées à le réaliser. A savoir, pour les maisons, les diagnostiqueurs immobiliers, les entreprises RGE - pour « reconnu garant de l'environnement » - et les bureaux d'études qualifiés. Et pour les immeubles, ces mêmes bureaux d'études ainsi que les architectes. Ils demandaient aussi de mieux fiabiliser, au préalable, le DPE, qui a connu des couacs au moment du lancement de sa nouvelle formule en juillet 2021. Formule encore en passe d'être ajustée.

 

Cet audit va-t-il réellement permettre d'accélérer la rénovation des bâtiments mal isolés?

Les acheteurs ne sont en effet pas tenus de réaliser les travaux s'ils occupent le logement.

 

« On va voir si ça cafouille ou pas, indique Eric Allouche, président du réseau d'agences ERA Immobilier. Ce que je crains, c'est qu'il n'y ait pas forcément de cohérence au niveau de ces audits [même s'il y a une grille d'analyse commune, NDLR]. C'est bien de donner une information au consommateur.

Mais on entre dans quelque chose d'extrêmement compliqué. Et donc il y a des risques d'erreurs et cela peut générer des contentieux. »

« Aujourd'hui, globalement, les professionnels sont formés, rassure de son côté Jean-Christophe Protais, le président du syndicat de diagnostiqueurs immobiliers Sidiane.

Mais nous allons avoir le même sujet qu'avec le DPE. » A savoir être en mesure de faire en sorte que deux techniciens délivrent le même audit pour un même bien.

Pour cela, « il faut pousser les propriétaires à fournir un maximum de données », insiste-t-il. A terme, le carnet d'information du logement

- entré en vigueur au 1er janvier dernier - jouera son rôle. Celui-ci doit désormais être obligatoirement établi par le propriétaire d'un logement lors de la réalisation de travaux ayant une incidence significative sur sa performance énergétique. Au fur et à mesure, cela va permettre de constituer des historiques. Mais il va falloir encore plusieurs années.

Dès maintenant, « il est impératif d'avoir pour tous les mêmes formations, les mêmes méthodes, les mêmes moyens de supervision », poursuit le président de Sidiane.

« Environ 30 % de nos confrères sont formés à l'audit énergétique.

Ceux qui le sont sont des gens appétents sur le sujet, qui ont eu envie de se former et ont payé pour ça. C'est une partie de la filière très motivée », assure de son côté Yannick Ainouche, le président d'un autre syndicat, la CDI FNAIM. En outre, le nombre d'audit à réaliser - de l'ordre de 100.000 à 150.000 par an selon lui - sera très inférieur au nombre de DPE, la problématique n'est donc pas la même.

 

« Une estimation, pas un devis »

Une autre interrogation porte sur la capacité des auditeurs à évaluer correctement les travaux à réaliser.

Là-dessus, Jean-Christophe Protais se montre moins soucieux. « Les travaux de rénovation sont tous à peu près les mêmes », indique-t-il.

Les professionnels peuvent s'appuyer sur des bases de données pour connaître, par exemple, le prix du mètre carré linéaire d'isolant, auquel il faudra ajouter le coût de la pose. « Nous délivrons une estimation de travaux avec une recommandation de gestes, mais il ne s'agit en aucun cas d'un devis », tient cependant à souligner Yannick Ainouche.

 

Reste un point essentiel. Dans quelle mesure cet audit va-t-il réellement permettre d'accélérer la rénovation des bâtiments mal isolés, selon l'objectif poursuivi par le gouvernement ? Les acheteurs ne sont en effet pas tenus de réaliser les travaux s'ils acquièrent le logement pour l'occuper et non pour le louer.

Quand bien même ils auraient obtenu une ristourne sur le prix.

Quoi qu'il en soit, cet audit va indéniablement conduire les acquéreurs à négocier davantage.

De toute façon, souligne le président de la CDI FNAIM, « le marqueur vert des maisons va être de plus en plus fort».

 

Rénover 20 % des logements permettrait de réduire les émissions de CO, de 50 %

 

Le Centre scientifique et technique du bâtiment a développé une base de données qui établit une fiche d'identité de chacun des quelque 36 millions de logements du territoire.

Rénover 20 % de logements énergivores ciblés en France permettrait de réaliser 50 % d'économies sur les émissions de carbone dont l'habitat est responsable. C'est à cette conclusion qu'est arrivé le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB). Ceci grâce à l'analyse de sa base de données nationale du bâtiment (BDNB), qui établit une fiche d'identité de chacun des quelque 35,7 millions de logements du territoire. Grâce à cet outil encore tout jeune, « nous sommes capables aujourd'hui de dire : j'ai un peu plus de 7 millions de logements dont voici les adresses qui, s'ils sont rénovés, vont permettre de réduire de moitié les émissions de CO2 », précise Julien Hans, directeur opérationnel énergie-environnement du CSTB.

Le CSTB n'a pas encore affiné sa liste selon les territoires ou les types d'habitat concernés. Mais il affirme être en mesure de le faire.

« On sait déjà par exemple que les logements occupés par leurs propriétaires représentent une bonne partie de ces 20 % de logements » à rénover en priorité, poursuit le spécialiste. Les logements construits durant les années d’après-guerre constitueront sans doute le gros du bataillon. « A l'époque, on a construit 20 millions de logements en vingt-cinq ans, souvent très mal isolés, sans se soucier des problématiques de consommation énergétique. Aujourd'hui, c'est notre héritage », poursuit-il.

Il faudra par ailleurs prendre garde au degré d'occupation du logement. « Une passoire thermique dans le bassin d'Arcachon, occupée un mois par an, ne pose pas de question de priorité de rénovation », précise Julien Hans. 

D'une manière générale, il souligne la nécessité d'être prudent dans l'analyse des données. « Il y a une quinzaine d'années, une thermographie aérienne de Grenoble avait été réalisée, afin d'identifier les déperditions d'énergie par les toits. Le bâtiment apparaissant comme le mieux isolé de la ville s'est avéré être la patinoire », raconte-t-il. En fait, comme la température était très fraîche au sein du bâtiment, celui-ci présentait de fait peu de déperdition d'énergie.

 

Manque de main-d'œuvre

Quoi qu'il en soit, les informations délivrées par la BNDB pourraient se révéler capitales, étant donné la difficulté à rénover rapidement l'ensemble du parc résidentiel français, notamment du fait du manque de main-d'œuvre. « Nous avons 600.000 personnes mobilisables - soit 40 % des professionnels du secteur du BTP - pour 700.000 logements à rénover par an », indique encore Julien Hans.

Certaines villes s'intéressent déjà à la BNDB et y voient un outil susceptible de les aider dans leurs prises de décision. Cette base de données peut aussi être utilisée par les propriétaires de parcs d'habitations. Mais c'est surtout l'Etat qui peut s'en emparer. Le CSTB doit remettre très prochainement au ministère du Logement une feuille de route de la décarbonations du parc immobilier, basée en partie sur cette cartographie.

 

Evaluation essentielle

Pour Julien Hans, cependant, « afin de massifier les rénovations, il va falloir travailler sur plusieurs segments ». Bien identifier les logements à rénover en priorité n'est que le premier d'entre eux. Il faut aussi s'assurer « d'effectuer les bons gestes de rénovation aux bons endroits ». Et que « les résultats de la rénovation soient mesurés et garantis ».

Ceci grâce à la méthode dite «Sereine» pour solution d'évaluation de la performance énergétique Intrinsèque des bâtiments, mise au point par les professionnels du secteur. « Si vous mobilisez beaucoup d'argent pour la rénovation énergétique et qu'à la fin, les économies d'énergie et les réductions d'émissions de CO, ne sont pas au rendez-vous, ce sera une catastrophe. » Pour lui, cette évaluation est donc essentielle.

Article du jeudi 30 mars 2023, Les Echos